Syrie, fin du régime al-Assad : le gouvernement aux mains des terroristes

L’effondrement du régime al-Assad : un écroulement sans combat

Moins de 10 après l’écrasement de l’Etat islamique sous les assauts d’une coalition incluant les Etats-Unis, la Russie, la Turquie et l’Iran, le djihadisme fait son retour en Syrie sous les applaudissements des puissances occidentales.

Le régime de Bachar al-Assad, autrefois perçu comme l’un des plus solides de la région, s’est effondré presque sans résistance. Après plus d’une décennie de guerre civile l’État syrien aura finalement sombré sous son propre poids, en raison notamment de la gouvernance erratique de son président.

Les cadres politiques et militaires qui formaient l’épine dorsale du pouvoir ont, les uns après les autres, abandonné le navire, laissant un vide béant à la tête du pays et contraignant Bachar al-Assad à l’exil

Cet effondrement a bien évidemment été favorisé par l’absence de soutien extérieur. Moscou, autrefois principal allié du régime syrien, a détourné son attention et ses ressources vers le conflit en Ukraine, où elle s’enlise dans une guerre coûteuse et prolongée. Ce désengagement a laissé Damas vulnérable. De plus, le Hezbollah libanais, pilier essentiel pour le maintien de Bachar al-Assad, a volontairement réduit son implication en Syrie. Enfin, l’armée régulière syrienne, épuisée par des années de conflit, s’est désagrégée, permettant aux forces rebelles d’avancer presque sans opposition.

Cette désunion au sommet a permis à des groupes rebelles de s’emparer de Damas sans véritable confrontation militaire. La capitale syrienne, symbole du pouvoir du régime, est tombée dans un silence pesant, témoignant de la décomposition d’un appareil étatique autrefois redouté.

Mais qui sont les « rebelles » en Syrie ?

Avec la chute de Damas, la question de l’identité des nouveaux maîtres du pays se pose avec une urgence particulière. Le groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS), principal bénéficiaire de cet effondrement, est loin d’être une organisation anodine. Héritier idéologique direct de l’ancien Front al-Nosra, HTS est un groupe islamiste radical affilié à Al-Qaïda, portant une vision fondamentaliste et autoritaire de la société.

Il n’est hélas plus étonnant de voir le monde politique occidental se réjouir de l’arrivée au pouvoir d’organisations terroristes : les fameux « printemps arabes » qui faisaient rêver l’Establishment virent ainsi sombrer des régimes stables – mais ne répondant pas à l’idéal démo-libéral de l’Occident –, pour le plus grands bonheurs de « rebelles » souvent proches de l’islamisme djihadiste.

Dans les années 90, les BHL, Finkielkraut et autres Glucksmann mobilisaient l’opinion publique en faveur des bombardements de l’OTAN en Serbie et de l’islamo-nationalisme bosniaque….

Sans surprise, le monde politico-médiatique tâche désormais de passer sous silence l’identité de l’organisation HTS et le fait qu’une organisation terroriste règne à présent sur Damas.

Une opposition hétéroclite

Mais HTS n’est qu’une partie d’une opposition beaucoup plus large et hétéroclite. Celle-ci inclut des dissidents issus du parti Baas, des membres du Parti national social syrien (PNSS), ainsi que différents  groupes djihadistes partageant des agendas divers, mais souvent convergents sur le plan militaire et le rejet absolu de l’Occident.

Ce paysage morcelé rappelle étrangement les débuts de Daech il y a environ une décennie. L’Etat islamique naquit en effet lui aussi d’une alliance opportuniste entre divers groupes rebelles, factions djihadistes, et anciens cadres baassistes en Irak qui se structurèrent dans le fameux Camp Bucca.

Cette hétérogénéité offre indéniablement aux « rebelles » une flexibilité tactique et une capacité d’adaptation face à des ennemis communs. Cependant, elle préfigure aussi des luttes internes pour le contrôle du pays, susceptibles d’aboutir à une fragmentation encore plus profonde de la Syrie et à de nouveaux massacres…

Une victoire problématique applaudie par l’Occident

Dans un revirement qui semble paradoxal au regard du discours officiel qui se veut opposé à l’islamisme radical, plusieurs puissances occidentales ont accueilli avec satisfaction la chute de Bachar al-Assad malgré le fait qu’elle profite à une organisation terroriste comme HTS.

Cette posture se résume par une célèbre phrase de l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, qui, au sujet du Front al-Nosra, avait affirmé en 2017 : « Sur le terrain, ils font du bon boulot. »

Cette célébration de la victoire des rebelles islamistes révèle les contradictions profondes de la politique étrangère occidentale au Moyen-Orient. L’objectif de déstabilisation des régimes jugés hostiles, comme celui de Bachar al-Assad, semble primer sur toute autre considération, y compris la montée en puissance d’organisations terroristes.

Ce scénario n’est certes pas sans précédent. La destruction de la Jamahiriya libyenne en 2011, orchestrée avec la participation active de la France, a également conduit à un chaos durable. L’intervention occidentale en Libye a permis la montée en puissance de milices djihadistes, transformé le pays en un territoire fracturé et ouvert des flux migratoires incontrôlables vers l’Europe.

Aujourd’hui, la Syrie semble suivre une trajectoire similaire, avec les mêmes erreurs répétées de la part de puissances occidentales dont l’idéologie l’emporte sur toute notion de Realpolitik

Vers un avenir incertain pour la Syrie

La prise de Damas par HTS et ses alliés laisse présager un avenir incertain pour la Syrie. Ce n’est pas seulement la chute d’un régime autoritaire qui se joue, mais aussi l’établissement potentiel d’un État dirigé par des groupes terroristes. Cette évolution, loin de pacifier la région, pourrait enflammer davantage les tensions au Moyen-Orient.

Il est évident que la capacité des « rebelles » à gouverner le territoire syrien est plus que douteuse, quand bien même d’anciens cadres du Baas seraient appelés à participer au nouveau régime. Majoritairement suunite, la Syrie reste une mosaïque religieuse incluant des alaouites, des chrétiens, des, kurdes des chiites et des druzes. La fragmentation historique et géographique du territoire et l’ingérence prévisible d’Etats tiers – Turquie en particulier – laisse entrevoir de nouvelles luttes de pouvoir, tant diplomatiques que militaires.

Alors que l’attention du monde est captée par d’autres crises, notamment en Ukraine, la Syrie glissera sans doute dans l’oubli. Ce désintérêt international risque de créer un vide dans lequel prospéreront des idéologies extrêmes, renforçant les cycles de violence.

Face à ce tableau sombre, il est crucial que les Etats occidentaux, européens en particulier, repensent leurs stratégies au Moyen-Orient. Si le passé récent a montré que le renversement de régimes autoritaires ne garantit pas la stabilité – bien au contraire, le processus s’avère désastreux aussi bien pour les pays concernés que pour la sécurité internationale –  il reste à espérer que cette leçon ne sera pas une fois de plus ignorée.


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